samedi 24 mars 2012

The amazing Joe Lovano (juin 1990)

The amazing Joe Lovano

Depuis le jour où j'ai entendu ce saxophoniste, je n'ai cessé de l'écouter (en concert), de le réécouter (en disques) et même de l'entendre sans l'écouter avec cette même passion fiévreuse. Maintenant, il est en moi et je lui ai réservé une grande et belle place au plus profond de moi-même. Vous comprendrez que je ne peux résister à vous l'offrir tel que je le ressens.
Joe Lovano : ton nom est déjà l'annonce du mouvement, de la rondeur du ténor. Il y a love...Ton ténor est force, énergie; il est ouverture ascensionnelle : de l'assise du grave, là où foisonnent et s'entrechoquent tes notes rugueuses, tu t'envoles avec une intense volonté à la conquête de l'aigu, de ses insaisissables harmoniques.
Chez toi, il y a toujours cette insatiable quête, cette poussée vers l'ailleurs, le beau, le haut. Du bouillonnement expressif au dépouillement le plus pur, tu es tantôt volubile, tantôt laconique, orageux ou bien lumineux, apaisé. 
Ton oeuvre de l'ici et maintenant est harmonie; tout se tient parce chaque note respire dans un espace contenu, tels les vitraux de Notre-Dame où l'on perçoit cette poussée puissante et douce, où tout se tient noblement avec mouvance et consistance (Ettendro).
Ton soprano fait montre d'une pureté de la note extrême, à l'attaque imperceptible, au vibrato léger. Il y a cette blancheur d'où s'élèvent des notes belles, des mots, des paroles qui ne peuvent qu'émouvoir (Rondine).
Et tu es capable de dévaler allègrement les marches, de passer les obstacles avec une maîtrise saisissante; tu nous chantes ici les hauts et les bas de la vie avec clairvoyance (Ups and down).
Mais, finalement, ta quintessence se manifeste dans Amazing, cette brillance, ce merveilleux où tu est ici joie, là blessure. Beauté où tout est dit, exprimé avec pureté; car tu est entier, homme. En t'écoutant, on sent jaillir la vie avec tout ce qu'elle comporte d'intense. 
Tu es à la fois toute l'histoire du saxophone et beauté unique, celle de l'art sans l'art, le degré zéro de l'art, l'unité sans ego entre le moi et l'instrument.
Joe Lovano, dans Izlaz, Henri Texier Transatlantik Quartet.

(1er texte publié dans Jazz Swing Journal n° 16, p. 35, juin 1990).