lundi 17 septembre 2012

Les Souterrains (Kerouac - 4)

Publié en 1958 (titre original : "The Subterraneans")









Mardou, ou l'amour souterrain

Il y a tout à la fois la plongée dans le monde des "Souterrains" (ces types encerclés de mots et de poèmes autant que de filles libres et curieuses), dans les nuits lumineuses/nébuleuses de l'alcool et de la marijuana, des accélérations vers l'acmé de la vie à la frontière de la mort; et puis un rythme tantôt effréné tantôt lascif, toujours plein, hypercoloré, jamais creux ou vide; justement ce rythme, cette vie paroxystique où la stimulation artificielle comble une recherche toujours plus extraordinaire de la beauté existentielle à travers l'intensité de l'instant, le sprint ou le ralentissement extrême, d'où cette fraternité avec la musique de jazz en tant qu'application musicale avec sa langue, sa transe, ses onomatopées non signifiantes (ou simplement ésotériques) et son discours du beau : le bop; tout cela conduit aussi à une stylistique de l'instant.

Type d'écrit : nouvelle. 4ème écrit de Jack Kerouac (1922-1969), où comme dans la plupart de ses écrits, il croise ses amis "habillés" avec des pseudonymes. Ici Kerouac, le narrateur est Leo Percepied et raconte sa courte histoire d'amour avec l'afro-américaine, Alene Lee (1931-1991).      


Un lieu : San Francisco ("Frisco") estival, endiablé, nocturne.

L'intrigue : Leo Percepied, jeune écrivain, plonge parmi les Souterrains et s'amourarrachecoeur de Mardou Fox,
fluette, petit bout de femmes à la peau noire, aux origines indiennes et aux sandales, junkie désintoxicable qui est capable de marcher seule, nue dans la nuit pluvieuse. Tout le livre traverse cette histoire d'amour courte intense improbable attendrissante cauchemardesque.


Les angles : l'artiste égocentrique rapidement invivable, la difficulté de vivre ensemble et donc de fusionner quotidiennement deux entités humaines par définition paranormales (aux histoires, gestes, attentes plus souvent divergentes car superficiellement convergentes). Kerouac traite largement de la condition d'une minorité ethnique (l'afro-américain) avec une belle acuité très teintée de poésie mais sans développer une thèse particulière. 


J'ai adoré
  • le néologisme (?) : "cauchebièremars";
  • le passage (p. 44-47) où J. Kerouac aborde la colonisation du Nouveau Monde par de superbes envolées lyriques et poétiques en remontées historiques. L'art de faire revivre une page d'histoire (général) par le fil conducteur de Mardou, l'Indienne (particulier). L'auteur prouve ici sa capacité à comprendre l'autre, d'autant mieux qu'il prend du recul avec sa propre origine;
  • l'expérience existentielle (a)normale de Mardou marchant nue dans la nuit urbaine et pluvieuse. Un pur instant de poésie mais qui, ramené à une réalité contingente, peut-être qualifié de "folie";
  • la rue, personnage omniprésent, terrain de respiration (entre deux virées alcoolisées , scènes de jazz ou instants intenses dans le cloisonnement du petit appartement de Mardou ou de quelque copain), liberté insouciante ou retombée dans la triste réalité (américaine puritaine).  

Critique :  Un indispensable (comme tous) de Kerouac à lire au coin d'une fenêtre. Comment vivre au coeur d'un couple fugace au travers d'une vision d'homme observant moins la femme que son incapacité à aimer dans le temps.                                  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire