vendredi 6 avril 2012

90' d'abstraction au Musée Fabre : quelques trésors ciblés

Les sujets de l'abstraction en 90'

Promenade dominicale à l'exposition des 101 chefs d'oeuvre de la fondation Gandur au Musée Fabre (Montpellier, France). Arrêt sur image et impressions "à chaud".  


Comme toujours dans ce beau musée rénové montpelliérain, l'entrée en matière est décevante et irritante. Car passé le pointage et la première vidéo, après quelques marches en contrebas, je me retrouve nez-à-nez avec les oeuvres attendues. Le recul et la lumière insatisfaisants. D'ailleurs une surveillante de salle, très aimable au demeurant, anticipe les égarements des visiteurs qui manquent de toucher les tableaux précieux. Nous sommes au parfum. Très vite, j'entre dans la première pièce où brillent notamment deux oeuvres : La chute de Lucifer de Maurice Estève (1904-2001).

                                          Esteve, Maurice - La chute de Lucifer - Lyrical Abstraction - Lithography - Abstract   

                        Maurice Estève, La chute de Lucifer, huile sur toile1951 (crédit photos Google, lithographie).  

Malheureusement, je n'aurai pas le temps de revoir cette oeuvre extralucide où le Bien de la couleur l'emporte sur le Mal noir. Car l'oeil est déjà emporté vers un phénoménal tableau d'Oscar Gauthier (1921-2009). J'y retrouve un voisinage entre Klee et Miro mais sans le mystère et l'invisible. Tant pis pour le titre. Car le défilé est superficiel. Fautrier (1898-1964) l'emporte haut la main avec ses figures blessées, pétries d'un pathos, qui tentent de s'extirper d'une matière-vie asphyxiante. Passons les De Staël (1914-1955), apprécions les Soulages (1919) dont le sublime 130 x 58, 24 août 1958 (qui renferme une atmosphère nuitée très particulière et terriblement réelle, pour rejoindre, les masses "toutes en une" de Francis Bott (1904-1998) avec un travail équilibré sur les tons froids. Voisin pour l'occasion d'un Poliakoff (1900-1969) un peu seul. 

Puis, peut-être est-ce ma concentration qui, comme un sportif, est échauffée donc aiguisée, mais enfin je ressens les ondes magiques des deux amis et chefs de file de l'abstraction gestuelle, Hans Hartung (1904-1989) et Gérard Schneider (1896-1986). Arrivé enfin dans une salle qui me subjugue, je me laisse envoûter car cerné par de grandes toiles aux effets magiques. Tout d'abord, avec l'Opus 27 C, Schneider abat et écrase des larges traces brossées en mouvement lourd, ondulé et discontinu. Par là même, Il livre bataille entre  couleurs primaires-secondaires (noir, rouge, bleu, jaune, vert). L'atmosphère en est à la fois puissante et volatile. A ses côtés, face à un Schneider plutôt physique et spontané, Hartung se pose en pape de l'épuré presque sophistiqué (lorsque l'on sait qu'il effectuait de nombreuses études). Tel un calligraphe réinventeur, un naturaliste mental, il réussit à distribuer et composer dans ses toiles une palette de variations de traits fins ("baguettes"), de bandes brossées sur des fonds monochromes apaisants. Avec l'oeuvre T 1973 E12,

il atteint la dichotomie parfaite de la Nature (haut) et de l'Humain (bas); L'équilibre entre le presque-vide désincarné et le plein, surchargé d'émotion et d'excitation. Hartung encore, maîtrise sans conteste la composition complexe des formes avec une utilisation presque accessoire de la couleur (T 1949-10). 

Une accélération de la visite, comme un travelling imposé, me fait zapper de la salle imposante consacré à l'énergumène Georges Mathieu (1921), dont la sportivité picturale ne m'atteint pas. Pire, je trouve ses peintures jetées totalement ringardes. Tant pis pour lui ou tant pis pour moi ! Je monte à l'étage pour terminer ma visite de la collection abstraite. Manessier (1911-1993), le flamboyant; Vieira da silva (1908-1992) et sa tapisserie cubique illuminée



(Paris la nuit, 1951, huile sur toile); Un Zao Wou ki assez terne et décevant; Le grand catalan encore très vivant, Antoni Tàpies (1921-2012) et ses lacérations organiques pauvres presque dadaïstes. Et puis, pour finir en beauté, un beau rouge Concetto spaziale (1956) de Lucio Fontana. 

Rappel à l'ordre des surveillants de salle, la ballade touche à sa fin. Quatre vingt dix minutes pour 101 dalmatiens. C'est quand même mieux qu'un concours de beauté canine où défilent un à un les joujous de messieurs les humains. Ici, l'extase cotoie l'indifférence. Car la vie reste moins inégale qu'inégalable. (Montpellier, 25 mars 2012).            
                                                       

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