Si
Klein avait vu ce Bleu…
Jeantimir,
Coloriage-encre (non daté), « Les pompiers de St-Rémy-de-provence »
Si
Klein avait vu ce Bleu d’encre non IKB*, relégué au stade de
décorum et
entâché par trois scènes banales, il aurait changé de couleur;
Car le blasphème est
total !
Mais
Jeantimir n’a que faire de l’histoire de l’art. Ses rêves se
concrétisent très simplement sur le papier. Au rebus les
périgrinations intellectuelles. Superflu. L’artiste ne marche pas
sur la tête. Il respire, observe, mange, dort ; Puis saisit son
crayon, pinceau et dessine sans préméditation, d’un trait
naturel. La courbe est heureuse _ car l’arrondi prévaut, et les
personnages naissent, comme par enchantement. Les attitudes sont déjà
bien campées et les expressions mi-figées mi-perdues. Le coloriage
ravive chaque élément, cristallise la composition et apporte le
volume. Très vite, la petite scène s’humanise. Signature apposée,
œuvre terminée.
Mais
Klein, du haut de son bleu paradis niçois, rougit de colère en
découvrant avec stupeur plusieurs agents perturbateurs envoyés par
je-ne-sais-quel-diablotin. Saperlipopette, quelle farce Jeantimir
nous joue là ! Regardez plutôt.
« Tu as tué ma dialectique! » Car la patte prosaïque
s’est collée sans accord amiable.
Voici
le récit détaillé de ce dessin-coloriage à l'encre que l’on
pourrait nommé : « Pompiers foxtrot, infant garde-champêtre
et être ovoïde ».
Première
scène (sur le tiers haut
à gauche)
Un œuf
vermillon renversé, en vue transversale, griffé de jaune sur le
devant avec un petit point juste au-dessus, et reposant sur deux
disques bleu clair. Ajoutez au-dessus une ligne droite toujours
vermillon, qui précède trois bustes à la coupe des années folles.
Suggérez le
volant et vous avez
une farce indiscible. A première vue, ce ne sont que trois dames
embarquées dans un bolide rondouillard. Mais si l'on focalise sur
des points de détails, tout à coup : l'avant de l'automobile
devient poisson, et l'accès à l'intérieur s'effectue par une
échelle sinueuse et en volutes. Car ce sont «les pompiers de St
Rémy de Provence », comme nous l'indique Jeantimir.
Seconde
scène (sur le tiers à
droite)
Loin
d'être un simple narrateur de ses propres visions ou émotions via
le prisme de l'enfance sublimée, Jeantimir métamorphose notre
réalité en une divine comédie burlesque, pittoresque et délirante.
Comme une toute simple surréalité salvatrivce. L'inconscient fait
jaillir, telle une écriture automatique, un petit bonhome sphérique,
à la géométrie terriblement simplifiée, tenant sur ses pieds
palmés. D'adorables petits soleils en escargots pour ses yeux, alors
que ses lèvres sont formées par un sentier aux tours et détours où
nous aimerions errer. La cocarde républicaine et le tambour
suffisent pour marquer notre personnage du sceau officiel. On
entendrait même les trilles de notre garde-champêtre aux allures
d'enfant impassible.
Troisième
scène (sur le tiers en
bas à droite)
Menu
regard rosé ressorti de sa carapace oblongue. Sans identité connue,
ce personnage attendrissant repose sur des pieds-supports comme fixés
au sol. Kafka n'est pas loin. Doux être que l'on doit aimer parce
qu'il vit et apporte une autre vision du vivant, de la beauté. Il
est poésie.
Que
faire de pareilles scènes monstrueusement indépendantes ? Aucun
commentaire. Monsieur Klein, ne soyez pas terrorisé car Monsieur
Jeantimir est un véritable artiste révolutionnaire ! Vous qui avez
touché l'absolu de vos propres doigts, comprenez que vous êtes face
à un énergumène poignant, épique poète aux scènètes pétries
d'humanité.
Au
final, Klein jette l'éponge, et d'un sourire en coin capitule devant
cet imaginaire implacable. « L'air de rien, Jeantimir, tu as
pris mon ciel. Mais je m'incline devant un seigneur. Vous avez gagné
puisque je ne vois plus que vos personnages enigmatiques. Extatique
sans tactique. Sauf celle peut-être du gendarme comme le chantait
Bourvil de son pas de danse faussement gauche et au burlesque
immensément efficace. »
Que
faire de plus !
*L'IKB
(International Klein blue) est un bleu outremer extrêmement saturé,
mat et d’une absorption totale, résultat d’un an d’expérience
effectué par Yves Klein (peintre et performer, 1928-1962)
avec un chimiste. Breveté en 1960, il est, selon Klein,
« la
plus parfaite expression du bleu », la définition picturale,
la matérialisation de sa sensibilité individuelle entre étendue
infinie et immédiate. « Les monochromes bleus » seront
l’essence de la peinture monochrome du 20ème siècle.
L’IKB
incarnera la dialectique entre la matière et l’esprit, le physique
et le spirituel, le temps et l’infini.
Jeantimir KCHAOUDOFF
né en 1941, vit et travaille à Nogent-le-Rotrou (28)
- Galerie Artémise : http://www.artemise.net/-jeantimir-a7.html
- Galerie Artop : http://www.artop.fr/commande/critere.cgi?&makeframe=TRUE
Benoît Courcelles©, dec. 2010
né en 1941, vit et travaille à Nogent-le-Rotrou (28)
- Galerie Artémise : http://www.artemise.net/-jeantimir-a7.html
- Galerie Artop : http://www.artop.fr/commande/critere.cgi?&makeframe=TRUE
Benoît Courcelles©, dec. 2010
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